Trump va réquisitionner 8 milliards de dollars pour son mur

Le Congrès américain a adopté jeudi soir un ensemble de mesures budgétaires destinées à financer une partie du gouvernement fédéral jusqu’au 30 septembre prochain. Ignorant les demandes de Donald Trump, ce compromis bipartisan ne prévoit d’attribuer que 1,35 milliard de dollars au prolongement des barrières métalliques existant sur la frontière avec le Mexique.
Devant cet échec, entériné au Sénat par 86 voix contre 13, puis à la Chambre des représentants par 300 voix contre 128, le président est réduit à une alternative: soit user de son droit de veto et provoquer un nouveau «shutdown» partiel de l’Administration à partir de vendredi soir, soit utiliser son pouvoir exécutif pour réquisitionner des fonds affectés à d’autres tâches. La mise au chômage technique de 800.000 fonctionnaires pendant 35 jours en janvier n’ayant produit qu’une baisse de sa cote dans les sondages, Trump a choisi la seconde option.

Ce vendredi matin à 10 heures (16 heures en France), il va donc signer une loi budgétaire dont il se dit «très mécontent» et décréter en parallèle l’état d’urgence à la frontière mexicaine. Cette mesure doit lui permettre de réaffecter certains budgets du Pentagone ainsi que des enveloppes destinées à l’aide aux victimes de catastrophes naturelles. La Maison-Blanche indique son intention d’affecter à ce stade 8 milliards de dollars à la construction du mur. C’est plus que les 5,7 milliards demandés au Congrès, mais encore loin des 25 milliards estimés pour réaliser intégralement la promesse électorale du président.

La démarche est assurée de susciter une opposition législative et judiciaire. La Chambre contrôlée par les démocrates se prépare déjà à adopter une résolution condamnant cette infraction à la séparation des pouvoirs. Le Congrès détient en exclusivité le pouvoir de la bourse, comme le stipule l’Article I (section 9) de la Constitution: «Aucun argent ne sera retiré du Trésor qui ne le soit en conséquence d’une loi budgétaire.» Le Sénat serait alors forcé de voter à son tour sur cette résolution, avec une majorité républicaine déjà divisée sur la question. Son chef, Mitch McConnell, avait déconseillé à Trump de proclamer l’état d’urgence. Il n’a changé d’avis jeudi que pour éviter un autre «shutdown», promettant son soutien au président.

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En parallèle, les démocrates et divers groupes d’intérêts se préparent à attaquer la proclamation d’urgence nationale devant la justice, contestant les arguments de la Maison-Blanche sur la nature de la crise à la frontière. Selon l’éditorial du New York Times de vendredi, «l’afflux de familles de migrants à la frontière sud ne constitue pas une crise de sécurité nationale, encore moins une authentique urgence. Il y a une crise humanitaire qui s’aggrave, activement entretenue par les politiques draconiennes de l’Administration.»
Une loi de 1976 codifie cette prérogative présidentielle, la réservant à des «crises nationales majeures». Elle a été actionnée 58 fois par tous les présidents depuis 43 ans: George W. Bush après les attentats du 11-Septembre et avant la guerre en Irak, Barack Obama lors de l’épidémie de grippe porcine… Trente et une de ces situations d’urgence sont toujours «actives», principalement des sanctions frappant des pays étrangers. Aucune n’a été contestée devant les tribunaux.

Selon les sondages, les deux tiers des Américains sont opposés à l’état d’urgence pour construire un mur. Nombre d’élus républicains s’inquiètent en particulier du précédent créé par Donald Trump. Nancy Pelosi a attisé leurs craintes en faisant valoir qu’un futur président démocrate pourrait considérer la lutte contre le réchauffement climatique ou la crise des tueries par armes à feu comme justifiant une proclamation d’urgence nationale. Jeudi 14 février marquait le premier anniversaire du massacre du lycée de Parkland en Floride, qui avait coûté la vie à 17 élèves et professeurs.

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