Quel avenir pour une jeunesse frappée par la désillusion ? .. Par Samar Miled

Les jeunes tunisiens, majoritairement étudiants ou fraichement diplômés, ont de plus en plus tendance à afficher un désir de quitter le pays après leurs études, voire, en plein milieu de leur cursus universitaire. Ils veulent juste partir, coûte que coûte. Rien ne semble les retenir en Tunisie. Rien ne semble plus les intéresser dans un pays où leurs chances de trouver un poste intéressant deviennent minimes. Par « intéressant », on entend : qui paye bien, qui leur offre un salaire leur permettant de vivre un peu après une longue semaine de travail dans une société privée ou une institution étatique qui, souvent, faute de bonnes manières, ne les respecte pas, et les traite indignement. Ce cas de figure s’applique, bien évidemment, à ceux qui ont pu atteindre le Graal, à la suite de leur réussite dans un concours national, ou pour ceux qui, nés sous une bonne étoile, ont décroché un poste quelconque, dans une entreprise quelconque.

Ils rêvent tous d’un ailleurs merveilleux. D’un pays « développé », qui respecte ses salariés, dans lequel la caissière te dit « bonjour » en affichant un grand sourire béat, et dans lequel l’agent de police te colle une amende méritée, sans t’avoir agressé au préalable, ou sans avoir essayé de te soutirer un pot-de-vin ; un pays dans lequel ils seraient traités à leur juste valeur, de la part d’un Responsable RH, responsable, et d’une employée de l’administration, consciencieuse, qui ne s’endort pas au bureau (clin d’œil à notre héroïne nationale qui s’est assoupie à l’Office du Tourisme).

Ils rêvent tous d’un pays dont les routes ne s’effondrent pas à la première pluie : « En hiver, il neige chez eux, et ils trouvent pourtant le moyen d’aller travailler tous les jours à l’heure. » (Avis d’un élève ingénieur).

Ils veulent tous grandir dans une Tunisie qui ne leur vend pas que du rêve :

« Si j’ai un peu de chance, avec mon Master en Lettres françaises, je finirais assistante dans une entreprise qui n’aura besoin de moi finalement, que pour faire la mise en page d’un rapport et répondre au téléphone… » (Avis d’une littéraire très optimiste)

« On a un diplôme, on fait une fête, on cherche du travail, on se retrouve au chômage, on n’a pas d’argent, aucune indépendance financière à 25 ans… Je n’ai encore jamais voyagé, pourquoi voudrais-je donner une chance à un pays qui n’aime pas ses enfants » ? (cri du cœur d’un biologiste, diplômé chômeur).

Les témoignages susmentionnés sont la preuve que nos jeunes, frappés par la désillusion, deviennent aujourd’hui, incapables d’avancer dans un pays qui a du mal à avancer.

On leur répondra dans ce cas, qu’ils ont le droit de partir, de changer d’ambiance, de gagner de l’expérience à l’étranger, pourvu qu’ils ne partent pas avec l’espoir de rester, mais avec l’envie de rentrer un jour dans un pays qu’ils construiront, parce qu’un jour il les a construits.

Une Révolution est une forme de Renaissance, et pourtant, la Tunisie postrévolutionnaire est en ruines, et personne n’œuvre à la faire renaître ; même ses enfants, qui ont la force mentale requise pour le réaliser, la quittent, pour tomber dans les bras d’une étrangère.

Quand vous partez, et que vous décidez de ne plus revenir, vous êtes ingrats. Vous avez été formés dans un 21ème siècle aux allures moyenâgeuses, on vous l’accorde ; mais ce petit pays à la respiration haletante, vous a offert un toit, quelque chose à vous mettre sous la dent, et quelque savoir à transmettre à vos enfants.

Partez donc un peu, mais rentrez chez vous rapidement, et faites comme ces allemands, chez qui vous voulez aller : construisez sur les ruines, et transformez « la boue en or » (Il leur a fallu à peine quelques décennies pour remettre tout un pays sur pied). Au lieu de rêver à une vie à l’étranger, rêvez à une meilleure route, que vous construirez, à une meilleure école, que vous changerez, à une meilleure ville, que vous respecterez.

Marchez sur les pas de vos parents, qui ont traversé la Guerre et l’Indépendance, qui ont résisté à la misère, à la dictature et à l’ignorance. Au lieu de fuir, restez, au lieu de vous plaindre, bougez. Et même si vous partez, vous verrez que tôt ou tard, vous reviendrez ; parce que cette Tunisie a un je ne sais quoi d’attachant, et où que vous soyez, en dehors de ce pays, vous n’y serez jamais comme chez vous.

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