Les Enseignants en Tunisie : le loup et l’agneau .. Par Samar MILED

Nous avons tous eu un professeur qu’on n’oublie pas et dont on se rappelle « en bien ou en mal ». Si on tente de cataloguer les différents types d’enseignants en Tunisie, j’ai bien peur qu’il nous faille un livre ; contentons-nous donc, de revoir ensemble les incontournables :

Le/La corrompu(e)

Le/la pseudo-syndicaliste qui, pour punir le pays de ne pas le/la payer assez, décide de vivre aux crochets de ses élèves. Il/elle fait regretter aux parents d’avoir choisi l’école publique. Il/elle contribue à l’appauvrissement de la classe moyenne et à l’abandon scolaire, si ce n’est au suicide de certains enfants harcelés en permanence et incapables de trouver une oreille attentive (ceci est une hyperbole).

Vous le/la connaissez tous : vous êtes peut-être l’un de ses héritiers, puisque sans que vous ne le sachiez, vous avez contribué au financement de son deuxième étage de villa.

Vous le/la connaissez très bien : c’est celui ou celle qui fait la grève pour un Oui ou pour un Non : il/n’aime pas son salaire, n’aime pas ses élèves, n’aime pas ses collègues… Alors, Il/elle s’inspire des valeureux Lumumba et Gandhi, et croit marcher sur leurs pas quand il/elle s’arrange pour ralentir les activités de l’établissement. Il ne connait que le « tous pour un » et n’a que faire du « un pour tous ».

Le/La blasé(e)

Il y a deux types de blasés dans le monde de l’enseignement en Tunisie : il y a d’abord ceux qui vieillissent avant l’âge : ils ont la quarantaine, mais quand tu les vois traverser la cour de l’école, tu te dis qu’ils sont bons pour la retraite. 15 ans de service ont réussi à les anéantir, à leur faire haïr le bon vieux Charlemagne, et à les vider de leurs dernières ambitions. Pour aller au travail

tous les matins, ils marchent en général, ou alors ils font partie de ceux qui ont eu la chance d’acheter une petite Peugeot en 2008, quand la classe moyenne pouvait encore s’offrir une voiture. En classe, ils ne crient plus beaucoup, ils ont perdu la voix à 26 ans, ils corrigent machinalement, ils sont trop vieux pour faire la fête, trop jeunes pour demander la retraite, trop pauvres pour tout plaquer et trop mariés pour songer à reprendre leurs études.

Il y a ensuite les jeunes capétiens ou agrégés, qui commencent à enseigner avec beaucoup d’enthousiasme, mais qui courbent l’échine au bout d’un mois ou deux. Ils sont généralement affectés dans des régions isolées, ils doivent y passer au moins deux ans pour faire leur roulement. Ils ne peuvent pas poursuivre leurs études s’ils le souhaitent, parce que leurs emplois du temps sont ridicules. Ils ne peuvent pas être jeunes. Ils sont condamnés à passer leurs plus belles années dans une bulle. Il faut appeler un chat, un chat ! C’est une bulle, où on ne respire pas, où on ne s’amuse pas, où la culture est comme interdite, où les divertissements sont un mythe. Les élèves y dépriment et c’est contagieux, et ces jeunes enseignants, « victimes du système », victimes de la crise qui ronge les régions, continuent à aller au travail, et à survivre dans leur petite montagne, où ils deviennent soit ivrognes, soit salafistes.

Le/La passionné(e)

Vous avez surement eu un/une professeur(e) que vous évoquez toujours avec un sourire et un bon vieux « paix à ses parents » (traduction littérale de : يرحم والديه/ها).

Il/elle vous a fait aimer les racines carrées et les triangles isocèles quand le dieu des mathématiques était votre pire ennemi ! Il/elle vous a fait écrire des poèmes, vous a appris à chanter, vous a initié au théâtre, vous a fait découvrir des films – projetés sur les murs désenchantés du collège. Il/elle a été plus qu’un/e enseignant(e), presque une idole. Vous n’éprouviez aucune peine en marchant vers sa classe, aucun nœud dans le ventre en révisant pour son examen, aucune envie de vous faire piquer par le médecin de l’école pour éviter le stress post-traumatique que vous causait sa séance.

C’est le/la rebelle, vous savez, qui vous laissait aller au bout de vos potions magiques dans son laboratoire, et qui citait Molière et Shakespeare par inadvertance.

Il vous faisait rêver, et il était plus qu’un/e enseignant(e), presque un parent…

Mais allons ! Ne vous emballez pas … parce que ces gens-là, ils se comptent sur le bout des doigts : ils sont soit jeunes et encore pleins d’énergie et ils ont le don de voir le bon en toutes choses (Il s’agit là des futurs blasés – vous l’aurez compris -), soit morts et on en garde un bon souvenir.

Le/La barge

Il y a trois types de barges :

Il y a les trop passionnés, qui oublient qu’ils sont en 2017 et que le Shakespeare de leurs élèves est Mark Zuckerberg. Les élèves écoutent l’enseignant chanter Hugo, pleins d’émotion, et leur réaction : « Tu veux bien m’envoyer une vie hobbi » ?

Viennent ensuite les trop blasés : ils sont soit alcooliques, soit fanatiques, vous vous en rappelez ? Je vous laisse imaginer la suite.

Les corrompus quant-à-eux sont fous de pouvoir et d’argent mais jamais vraiment fous. Ils sont prudents et malicieux et ils gardent toute leur tête pour vous faire perdre la vôtre.

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