Le calamiteux ratage dans la transition démocratique … Par Houcine Ben Achour

Il ne faut pas chercher midi à quatorze heure. En l’absence de précédent électoral municipal, les résultats des élections municipales 2018 ne peuvent être analysés qu’à travers le prisme national. 

 

Cela étant, on ne sait franchement pas s’il faudrait en rire ou en pleurer car, à entendre les politiques de tous bords, personne n’est sorti perdant des élections municipales. Les partis politiques qui ont pignon sur rue, ou plutôt le croyant à tort, comme les têtes des listes dites indépendantes ont tous crié victoire, en dépit du bons sens le plus basique qui veut que lors de n’importe quelle joute, il faut qu’il y ait un perdant et un gagnant à défaut de parité.

 

Est-il possible de donner crédit au porte-parole de Nidaa Tounes lorsqu’il  annonce au lendemain du scrutin que « Nidaa Tounes a encore gagné » alors que ce parti a perdu dans ces élections municipales plus de 900 000 voix au niveau national par rapport à ce qu’il a récolté lors des élections législatives de 2014 ? Quel sens donner à la « victoire » d’Ennahdha alors que le mouvement islamiste a perdu plus de 430 000 voix par rapport aux législatives de 2014 et plus de 985 000 voix par rapport aux élections à l’Assemblée nationale constituante de 2011 ? Pour ces deux partis qui ont présenté des listes dans presque toutes les circonscriptions municipales, la sanction est sans appel tant la perte d’audience est considérable.

 

A l’égard de ces deux partis, l’électeur a fait son choix en tenant compte de leur gestion politique des dossiers nationaux. L’électeur s’est fait juge sur la base de ce que font leurs représentants à l’Assemblée des représentants du peuple (Arp) et non pas sur les capacités et les profils des candidats indépendamment de leurs étiquettes politiques.

 

Cette vertigineuse baisse d’audience des deux principaux partis au pouvoir  n’est d’ailleurs que l’illustration d’une déception et d’une désillusion d’un électorat pourtant acquis initialement à leur cause. Depuis 2014, leur recherche éperdue du consensus a délité leurs fondamentaux idéologiques, islamistes-conservateurs d’une part et laïcs-modernistes de l’autre. Le mélange eau-huile est impossible.  Conséquence, on a préféré l’abstention que voter Ennahdha et privilégié les indépendants qu’opter pour  Nidaa.

 

Ah ces indépendants. Ils ont récolté 32% des suffrages, soit. Mais cela reste une agrégation statistique. C’est seulement le terme qui les lie, peut-être quelques objectifs tenant à l’action municipale et à rien d’autre. D’ailleurs leur poids au sein des Conseils municipaux sera minime, à quelques exceptions près. Et si une partie de l’électorat a voté en leur faveur, c’est par défaut, voulant avant tout sanctionner les deux principaux partis au pouvoir.

 

En réalité, dans cette élection, c’est la démocratie locale qui a perdu. C’est l’espoir d’émergence d’une élite politique locale, compétente et désintéressée du pouvoir, qui s’est volatilisé. Le mode de scrutin, totalement inadapté, a fait le reste.  En effet, ce sera une véritable gageure de constituer des majorités solides, fondées sur des programmes et des objectifs locaux intelligemment négociés par les élus, sans considération préalable d’appartenance partisane.

 

Or, c’est le contraire qui semble se profiler. L’alliance mort-née entre Nidaa, Ennahdha et Irada à Sidi Ali Ben Aoun illustre d’ailleurs cette abominable volonté de mainmise des appareils nationaux sur les stratégies et les perspectives locales. Cet exemple traduit amplement la volonté des directions nationales des partis, essentiellement Nidaa et Ennahdha, de dicter à leurs élus locaux la marche à suivre. Avaient-ils conscience que, de la sorte, ils sonneraient  malheureusement le glas d’une réelle démocratie locale, celle que le nouveau code des collectivités locales cherche à promouvoir et à ancrer. Quel énorme gâchis ! Et quel calamiteux ratage dans la transition démocratique du pays !

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