Laura Baeza, Ambassadeur UE en Tunisie dans la conference AFRAS  et CERES :  «  Pour un accord de Libre Echange Complet et Approfondi Tunisie-UE»  

Suite au lancement officiel des négociations sur l’ALECA le 13 octobre, à l’occasion de la visite de la Commissaire européenne au commerce Mme Malmström, et en présence de Monsieur le Chef du Gouvernement ainsi que de Monsieur le Ministre du commerce, nous avons maintenant un grand besoin de faire évoluer le débat.

 

Nous souhaitons impliquer et écouter davantage les universitaires et les centres de recherche, pour que les négociations se fondent sur des bases scientifiques et objectives, mais aussi pour que l’opinion publique tunisienne soit bien informée et au courant des enjeux.

En effet, et j’en discutais avec le Ministre Ben Mosbah la semaine dernière, nous avons remarqué que la présentation et la perception de l’ALECA telles que véhiculées par les médias tunisiens restent encore plutôt généralistes et idéologiques, et très peu – au moins pour le moment- basées sur des faits.

Nous avons aussi remarqué que les medias sont souvent beaucoup plus critiques sur cet accord que la société civile, avec laquelle nous sommes en étroit contact et qui –elle- nous semble plutôt constructive, même si bien évidemment elle nous a fait part de ses appréhensions et critiques.

Maintenant que nous avons lancé, ensemble, les négociations ALECA, nous espérons que les universitaires et les centres de recherche mettent à disposition leur savoir, nourrissent le débat avec leurs connaissances, aident les négociateurs tunisiens avec leurs outils d’analyse et de prévision et informent le grand public.

Il faut que vous, les universitaires et chercheurs, veniez avec des faits, des papiers, pour contrer les allégations qui prolifèrent et font du buzz sur les medias et les réseaux sociaux, et pour aider à cerner les vrais enjeux des négociations.

Dans ma courte intervention introductive – je laisserai les détails à mes collaboratrices qui s’exprimeront par la suite- je souhaite aussi clarifier d’emblée quelles sont les motivations de l’Union européenne dans les négociations ALECA.

C’est en effet un autre sujet qui fait couler beaucoup d’encre dans les medias, mais qui trouve aussi un répondant dans certains segments de l’opinion publique.

Selon certains, derrière l’ALECA se cachent les multinationales européennes, qui ont pour seul but de s’accaparer le petit marché tunisien, vous vendre des produits et services européens, se défaire du tissu économique tunisien, et in fine vous appauvrir et vous dominer.

Certains parlent même de plan néocolonialiste.

Je suis bien consciente qu’on ne puisse pas effacer l’histoire d’un seul geste, mais je tiens à vous expliquer clairement ce qui nous motive dans cet ALECA.

L’appellation même de l’ALECA – Accord de Libre Echange Complet et Approfondi – est probablement à l’origine de plusieurs malentendus.

Nous réfléchissons avec les autorités tunisiennes sur une nouvelle appellation de cet accord, qui puisse mieux refléter ses vrais objectifs et ambitions.

En effet l’Union européenne ne voit pas l’ALECA comme une négociation traditionnelle.

L’ALECA aura bien évidement une composante de libéralisation du commerce et de l’investissement, pour compléter la zone de libre échange pour les produits industriels existante depuis 1995.

Mais le but ultime de l’ALECA est de faciliter l’intégration dans le marché intérieur de l’UE pour les biens, services et investissements tunisiens, par un plus fort rapprochement des règlementations et des institutions économiques.

Je voudrais aussi rappeler que l’ALECA n’est pas une fin en soi, mais est un outil au service d’un cadre stratégique que nous appelons Partenariat Privilégié, qui a été agrée après la révolution, et qui vise à rapprocher davantage la Tunisie et l’Union européenne sur base des priorités qui seront décidées ensemble.

Ce Partenariat Privilégié comprend aussi le dialogue politique et sur la sécurité, les négociations pour un partenariat pour la mobilité, la coopération scientifique, pour nommer seulement quelques-unes de ses composantes.

Je voudrais rassurer que  l’Union européenne est bien consciente de la sensibilité de certains secteurs de l’économie tunisienne, notamment l’agriculture.

C’est pour cela que nous avons accepté dès le départ les principes de progressivité et d’asymétrie en faveur de la Tunisie, qui par ailleurs ne représente pas un marché de grande taille pour nous, et qui ne fait donc pas peur à l’opinion publique européenne.

Comme l’a indiqué Mme la Commissaire au commerce, toute ouverture à la concurrence se fera d’une manière progressive et maitrisée, respectueuse des fragilités existantes, accompagnée par des mesures de mise à niveau qu’on accordera ensemble, pour maximiser le positif, et gérer le négatif.

En effet, nous partageons le point de vue des autorités tunisiennes et d’une bonne partie de la société civile tunisienne qui pensent que l’ALECA, peut servir d’accélérateur des réformes dont vous avez besoin et que vous avez décidé de faire, pourvu que sa mise en œuvre soit bien préparée.

Ceci est notamment le cas de l’agriculture et les services, secteurs qui sont restés relativement en retard sur le plan des reformes.

En conclusion, je renouvelle l’appel et l’invitation aux universitaires et aux centres de recherche tels le CERES à se mobiliser, à mettre à disposition leur savoir-faire et leurs outils d’analyse et de prévision, au service des négociateurs tunisiens mais aussi de l’opinion publique, qui a un grand besoin d’orientation et d’informations fiables.

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