La Conférence de Berlin sur la Libye .. peu d’espoir si ses résolutions ne sont pas reprises et endossées par le Conseil de Sécurité !

La conférence de Berlin sur la Libye, tenue dimanche 19 janvier 2020, sous l’égide de l’ONU et avec la participation de 11 pays dont notamment, les USA, la Russie, le Royaume Uni, la France, la Turquie et le pays hôte l’Allemagne, annoncée de longue date, reportée à plusieurs reprises s’est soldée par des résolutions plutôt mitigées et très peu tangibles.


Sur le plan forme, les organisateurs de cette conférence n’ont pas réussi à y associer les vrais protagonistes de la crise en question. Il est vrai que M. Essarraj, Chef du Gouvernement reconnu par L’ONU et le Général Haftar, Commandant de l’ANL, étaient bien à Berlin ce jour de la Conférence, mais sans y prendre à aucun moment directement part, d’où on peut aisément imaginer leur manque d’engagement quant aux résolutions finales de la Conférence. Devant l’échec des organisateurs de cet évènement à réunir les belligérants autour d’une même table de négociations, ces derniers se seraient contentés de mener des discussions indirectes et infructueuses, ce qui est en lui-même un échec cinglant, car de la sorte, les résolutions finales de la Conférence ne peuvent en aucun cas traduire une quelconque volonté ou engagement des protagonistes principaux. Cela sans évoquer les pays hautement concernés par ce conflit mais écartés ou invité à la dernière minute à cette rencontre sans raisons évidentes.
Quant au fond des résultats de la Conférence, on peut synthétiser l’essentiel des résolutions finales comme suit :
– Un rappel aux belligérants qu’il ne peut y avoir de solutions militaires au conflit, d’où l’obligation de recourir à des négociations pour négocier une sortie pacifique à la crise,
– Des négociations pacifiques nécessitent comme préalable, la consolidation du cessez-le feu en vigueur depuis le 12 janvier dernier, suite à quoi l’ONU envisagerait le déploiement en Libye d’un Comité qui serait chargé de veiller au respect de ce cessez-le feu,
– L’engagement des différentes parties (!) à cesser toute intervention et ingérence militaires en Libye.
Ces dispositions, objet des résolutions finales de la conférence, suscitent les précisions suivantes :
1. S’agissant juste d’une réitération, pour une énième fois, d’une déclaration de bonne intention sans suite ni obligation concrète, le premier point ne nécessite pas de commentaire.

2. Rien n’indique que les deux principaux belligérants libyens, M. Essarraj et le Général Haftar, se sont engagés vis-à-vis de cette Conférence, en quoi que ce soit. Au contraire, leurs relations se compliquent encore davantage et leurs déclarations, dès le lendemain de la Conférence, se sont faites encore plus belliqueuses et de nouvelles complications et durcissements de positions surgissent. Le blocage des sites d’exportation du pétrole du côté de l’ANL, la déclaration, avec insistance, du Chef du GNA sur son « droit de recourir à toute assistance extérieure pour se défendre contre les agressions adverses », sans exclure l’intervention de combattants syriens, laissent peu de place pour espérer voir se concrétiser des démarches pacifiques suite à cette Conférence.

3. Le cessez-le feu et l’appel à la non-ingérence dans les affaires libyennes :
Il est vrai qu’un calme relatif, entrecoupé d’incidents sporadiques, règne en Libye le long des lignes de contact entre les deux camps depuis le 12 janvier dernier. Néanmoins, faut-il noter qu’il ne s’agit nullement d’un accord de cessez-le feu, négocié et formellement conclu entre les deux parties. La semaine écoulée, le Général Haftar a quitté Moscou sans signer un tel accord malgré la pression russe et turque qu’on peut imaginer.

A mon avis, la conclusion d’un cessez-le feu durable, permettant l’engagement de négociations fructueuses, est directement liée à la question d’ingérences étrangères militaires dans les affaires libyennes, ingérences sous forme de fournitures d’armement, d’envoi de mercenaires combattants, d’experts militaires et même de participations directes de forces régulières étrangères aux combats. Là il faut préciser que les deux belligérants libyens n’abandonneront pas l’option militaire au profit de sérieuses négociations, tant qu’ils gardent le moindre espoir de remporter la bataille militairement. Cet espoir en une sortie de crise militaire se trouve nourri justement par le soutien militaire étranger dont bénéficient les deux parties en conflit. De nos jours, il est bien établi, même pour les organisateurs de la Conférence, ONU comprise, que les deux parties libyennes en conflit bénéficient de suffisamment de soutien militaire pour entretenir leur espoir respectif à imposer leur volonté militairement et réaliser leur objectif politique final, qui est de s’emparer du pouvoir. D’ailleurs c’est pour cela que la Conférence, a réitéré, hypocritement, son appel à la non-ingérence, entendue ingérence militaire, en Libye.

Sur ce point, malheureusement, il y a lieu de souligner l’aspect très peu pragmatique et « hypocrite » même de cette résolution et ce pour les raisons suivantes :
 Cette Conférence, organisée sous l’égide de l’ONU et en présence de son Secrétaire Général, s’est contentée de réitérer l’appel au respect du principe de non-ingérence ou interventions étrangères militaires en Libye, alors qu’il aurait été plus opportun de dénoncer ouvertement les nombreuses et flagrantes violations, déjà enregistrées, de l’embargo sur les livraisons d’armes ou d’envoi de forces militaires en Libye, et envisager les sanctions qui s’imposent contre les pays qui empiètent sur les décisions onusiennes.
 De nombreux pays, par leurs interventions militaires directes dans cette guerre et par leurs violations de l’embargo sur la Libye, sont au fait à l’origine de l’avortement de toute initiative de recherche de solutions négociées, et ce par l’entretien et l’alimentation de la guerre par la fourniture, à l’un ou à l’autre des belligérants, fonds, armes, combattants et expertises, si ce n’est par des interventions directes dans les combats. Parmi ces pays, nombreux ont été parties prenantes actives à cette Conférence de Berlin, et ainsi, officiellement sont supposés cautionner ses résolutions et défendre ardemment le principe de non-ingérence, alors que ces mêmes pays, aux noms desquels ont été élaborées ces résolutions pacifiques (!), sont bel et bien les principaux fournisseurs d’appui militaire aux belligérants, en flagrante violation de l’embargo onusien, quelle hypocrisie ! Cette Conférence, organisée sous l’égide de l’ONU, n’a pas jugé plus juste et plus utile de condamner fortement et clairement ces violations et pourquoi pas discuter, de dispositions à même d’imposer à tous ses membres le respect de l’embargo en vigueur et le cas échéant, envisager des sanctions contre les pays défiants l’Organisation onusienne et la paix dans le monde. Quoi de plus choquant, hypocrite même, surtout lorsque cela advient sous le regard bienveillant de l’Organisation onusienne ! Ces pays, donneurs de leçons, je ne sais à qui, n’auraient-ils pas mieux fait de commencer à les appliquer à eux-mêmes !

Par ailleurs, il est juste de souligner que selon les résolutions de cette Conférence, l’ONU s’engage à « envisager » la mise sur pied d’un Comité de veille du respect du cessez-le feu, à déployer en Libye même. C’est à mon à vis, l’unique disposition émanant de cette Conférence, qui, si jamais mise à l’œuvre, pourrait avoir une suite positive concrète et aboutir à une issue pacifique et négociée au conflit libyen.

En conclusion, les résolutions de la Conférence de Berlin sur la Libye, à mon avis, peu concrètes et sans conséquences positives tangibles sur l’avenir du conflit, n’ont de chance de contribuer à ramener la paix dans ce pays et dans la région, que si elles sont reprises par le Conseil de Sécurité onusien et traduites en décisions fermes qui s’imposent à tous les pays, au cas échéant, suivies de sanctions. L’objectif serait, dans un premier temps, d’imposer le respect strict de l’embargo sur les livraisons d’armes à toutes les parties libyennes. C’est seulement de la sorte qu’on peut espérer ramener les frères ennemis libyens à la table des négociations. C’est à quoi, à mon avis, devrait se tenir la Tunisie au Conseil de Sécurité International dont elle est membre depuis le début de l’année. Cela ramènerait la paix chez nos frères libyens, dans la région et par là préserverait les intérêts nationaux vitaux.

– Que Dieu garde la Tunisie –

Gl (r) Mohamed Meddeb
(Armée Nationale)

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