L’ Islam et la femme : le foulard ,la polygamie et l ‘interprétation rationnelle .. Par Hela Amdouni

Force est de constater que la question de l’islam devient aujourd’hui centrale, pour les musulmans comme pour les non musulmans, pour les religieux comme pour les areligieux, pour les sociétés civiles comme pour les Etats… Tout le monde s’en empare! Et dans ce brouhaha insupportable, nous pouvons distinguer un terme qui vire particulièrement à l’obsession: la femme.
Au lieu de continuer nos débats de sourds et de non spécialistes (pour ne pas dire d’ignorants en la matière), je vous invite à revisiter des travaux théologiques et scientifiques menés par des penseurs tels que Tahar Haddad, Olfa Youssef ou Zeina el Tibi sur trois points cruciaux.

La polygamie

On entend souvent les hommes se vanter de pouvoir épouser quatre femmes selon les préceptes de l’islam. Or, une lecture non orientée du texte coranique montre qu’une autre interprétation est possible.
D’abord, il faut savoir qu’à l’époque préislamique, la polygamie était largement répandue et était surtout « illimitée » en termes de nombre[1]. Le coran a donc employé une logique progressive pour aller vers la restriction puis vers une sorte d’abolition de cette pratique[1,2] :

« Il est permis d’épouser deux, trois ou quatre parmi les femmes, mais si vous craigniez de ne pas être juste envers celles-ci, alors une seule » (Coran IV, 3)
Ce verset semble approuver la polygamie tout en la limitant à quatre épouses et en la conditionnant à l’équité entre celles-ci. S’ensuit un autre verset :
« Vous ne pourrez jamais être juste envers toutes vos épouses, même si vous en êtes soucieux » (Coran IV, 129)
Le texte revient ici sur la condition posée auparavant: celle de l’équité. Et il ne dit pas qu’elle risque d’être difficile à accomplir ; il dit qu’elle est simplement impossible, et ce en dépit des efforts que l’on pourrait fournir[1,2].

Une interprétation voulant que l’islam soit non pas polygame mais monogame est donc tout à fait plausible.
L’héritage

Toujours dans un souci de contextualisation et pour ne pas tomber dans les anachronismes, il est important de rappeler qu’avant l’avènement de l’islam, la femme était considérée comme une quasi-esclave[1]. Ainsi Omar Ibn Al-Khattab admettait « Avant la venue de l’islam, nous autres n’avions pas de considération pour les femmes. Puis, lorsque vint l’islam et que Dieu Tout-puissant évoqua leurs droits, nous nous mîmes à comprendre qu’elles avaient des droits sur nous ». (Rapporté par le Sahih d’Al Boukhari).
On voit donc que l’islam a veillé à restituer aux femmes leurs droits. Il n’en demeure pas moins que pour certaines questions, l’islam semble inégalitaire. Dans ce cadre, nous pouvons évoquer la question de l’héritage. Le coran stipule clairement à ce propos que la part de la femme équivaut à la moitié de celle d’un homme:

« Dieu vous recommande [awsâ – yûsîkum] quant à vos enfants : pour le garçon l’équivalent de la part des deux filles » (Coran IV, 11)
Ceci peut être compris suivant la logique progressiste du coran qui voudrait rétablir l’égalité homme-femme par étapes[1] (la femme n’ayant pas du tout droit à l’héritage auparavant).
Mais au-delà de cette clé de compréhension, il ne faut pas omettre de souligner que l’homme, qu’il soit frère ou mari, a l’obligation de subvenir aux besoins financiers de sa sœur ou épouse. Ainsi, la femme a le droit, à la fois, à une part de l’héritage et au soutien de son mari ou de son frère. On voit donc que malgré les apparences inégalitaires de ce verset, la finalité est, elle, bien équitable.
Faisons maintenant un saut vers nos réalités actuelles: le frère ne se sent nullement responsable de la situation économique de sa sœur et s’il venait à l’aider ce serait de façon ponctuelle et non par obligation. D’ailleurs, la sœur pourrait elle-même être amenée à aider son frère, de la même manière. Par ailleurs, l’épouse, tout comme l’époux, participe aujourd’hui aux dépenses de la famille.
Si ces conditions de vie ont bien changé (ce qui est normal), celle de l’héritage reste, elle, bien figée ! La femme continue à percevoir la moitié de la part de l’homme en termes d’héritage. Où en est-on de l’équité ici ?
Le conservatisme aveugle ne nous fera pas avancer, et ces questions doivent être repensées et adaptées à nos sociétés actuelles !
Le voile

Les médias (surtout occidentaux) ont fait du voile une telle obsession que le simple fait de l’évoquer devient épineux. Et pourtant…
Tout d’abord, prenons le temps de comprendre que le voile ou le hijab est un terme erroné pour désigner le foulard[2,3]. Le voile tel que cité par le coran signifie « rideau » et ne concerne que les épouses du Prophète :
« N’entrez pas dans les demeures du Prophète, à moins qu’invitation et permission vous soient faites d’y prendre un repas […] Et si vous demandez un objet aux épouses du Prophète, demandez le à travers un rideau » (coran XXXIII, 53) ».
En ce qui concerne le foulard, un verset clé est censé y faire référence[2] :

« Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu’elles rabattent leurs khômôr sur leurs poitrines » (Coran XXIV, 31)
Deux segments de ce verset ont donné lieu à des divergences au niveau des interprétations[3] :
« Ce qui paraît de leurs atours » : certains moufassiroun pensent que les cheveux, le visage et les mains présentent les atours qui peuvent paraître alors que d’autres pensent que seuls le visage et les mains devraient paraître. D’autres encore pensent que c’est tout le corps de la femme qui doit être dissimulé.

« Rabattre les Khômôr sur les poitrines »: si les poitrines doivent clairement être cachées ici, il y a un doute quant au fait de devoir cacher les cheveux. Car à supposer que le mot khômôr désigne un foulard recouvrant la tête -ce qui n’est pas forcément vrai- on peut se poser la question suivante : l’objectif de ce verset est-il d’inviter les femmes à se cacher les poitrines ou de leur imposer un vêtement traditionnel porté au temps du Prophète -et ce avant même l’avènement de l’islam ?

La réponse à cette question n’est pas évidente. Et c’est justement cela qui est important. Si le coran est sacré et immuable, l’interprétation (ou les interprétations) faite par les hommes (et les femmes) ne l’est pas. Penser et repenser les sources scripturaires est une nécessité car s’il existe dans le coran des notions constantes (telles que l’unicité), il existe aussi une partie variable qui doit être sans cesse réformée. Pour faire la différence entre les deux, Tahar Haddad nous a offert une solution avant de nous quitter. Elle se présente sous la forme d’une question: « L’islam est-il advenu pour ceci ? »[1]. Si la réponse est oui, alors il s’agit d’une notion « intouchable ».
Sources bibliographiques :
[1]Tahar Haddad : « Notre femme, la législation islamique et la société »
[2]Zeina el Tibi : « L’islam et la femme : Rappel pour en finir avec les exagérations et les clichés »
[3]Olfa Youssef : « Nakissatuaâklinwadîn »

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