Kamel Ben Younès, Géostratège tunisien «Cette initiative servira le projet du Grand Maghreb»

Kamel Ben Younès, expert tunisien en études géostratégiques, nous livre dans cet entretien son analyse sur les tenants et les aboutissants du Sommet tripartite maghrébin.

L’Expression: Les présidents Abdelmadjid Tebboune, Kaïs Saïed et Mohammed el-Menfi, animeront aujourd’hui les travaux de la première réunion consultative des chefs d’État des trois pays. Quel sera, à votre avis, l’agenda de cette réunion au sommet?
Kamel Ben Younès: La première réunion tripartite après la rencontre des trois chefs d’État à Alger, début mars dernier, vise à relancer une «coopération sous -régionale» en Afrique du Nord. C’est une bonne alternative pour relancer la coopération bilatérale et tripartite, trente ans après la décision de Rabat de «geler» la présidence de l’Union du Maghreb arabe. Cela n’a pas empêché la tenue de dizaines de rencontres maghrébines, au niveau d’experts, ministres et chefs d’État. Mais les structures politiques de l’UMA des cinq sont de fait «toujours en veilleuse», voire même «paralysées».
Certes, les cinq chefs d’État et les ministres du Maghreb s’étaient retrouvés en marge des réunions de l’ONU, l’OUA, de la Ligue arabe, de l’OIC, mais l’UMA des cinq est de nouveau «en panne».
Cette initiative de redémarrer le «Grand Maghreb» entre trois pays, n’est pas la première. Au milieu des années 80, la Tunisie, l’Algérie et la Mauritanie avait créé des structures de coordination, de coopération et de convergence d’intérêts.
La Libye de Gaddafi et le Maroc de Hassan 2 avait créé une autre structure de partenariat «sous régional». Quatre ans plus tard, Alger avait abrité la réunion des cinq chefs d’État maghrébins à Zéralda, où avait été décidée la création de l’UMA. Cela s’est concrétisé au Sommet de Marrakech en février 1989, Tunis en janvier 1990 et d’Alger en juillet 1990. Donc, les réunions sous-régionales ne sont pas un obstacle contre les projets régionaux plus ambitieux, comme celui de l’UMA, l’OUA… etc.
D’ailleurs, la Mauritanie qui ne fait pas partie de cette initiative sous-régionale provisoirement pourrait la joindre dans les plus brefs délais. Son adhésion pourrait donner un coup de main à l’initiative tripartite, notamment dans les efforts de renforcer la coopération politico-économique et sécuritaire régionale, ainsi que les efforts pour résoudre les conflits régionaux à aspects géostratégiques, dont ceux de la Libye, le Sahel et en Palestine occupée.
Dans l’agenda du Sommet tripartite maghrébin de Tunis figurera certainement les dossiers de sécurité régionale, la résolution politique des crises en Libye, ainsi que la coopération avec les pays de l’Europe et d’Afrique du Sud, et sur le dossier de l’immigration avec ses dimensions humaines, techniques et politiques.

D’aucuns estiment que ce conclave présidentiel s’apparente à une alternative au rêve du Grand Maghreb arabe? Êtes-vous de cet avis?
Cette initiative est plutôt positive si elle réussit à relancer la coopération bilatérale et tripartite entre l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Elle pourrait encourager le secteur privé et la société civile dans les
5 pays du Maghreb en général, les trois pays en particulier, à entamer de nouvelles actions communes, notamment celles envisageant la libéralisation de la circulation des travailleurs, des touristes, des hommes d’affaires et des marchandises. Elle n’est pas une alternative au Maghreb des cinq, ni autres cadres et structures arabo-arabes, inter-africains ou euro-méditerranéens…
La convergence d’intérêts entre investisseurs, commerçants, touristes et sociétés serait au profit des entreprises et peuples des trois pays d’abord, puis de toute la région.
Les divergences politico-sécuritaires conjoncturelles disparaîtraient si les «grands décideurs économiques du secteur privé» seraient impliqués dans les prochains processus d’union et de coopération bilatérale et régionale.

 

L’Expression – Mohamed OUANEZAR

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