Ecoles tunisiennes : besoin urgent de psychologues scolaires .. Par Samar Miled

« Faire des enfants, puis ne savoir qu’en faire. Tant d’attention, de conscience, de sérieux pour un accouchement, et tant de légèreté, d’aveuglement et de bêtise pour une éducation. » – Montherlant a bien raison : aujourd’hui, il est bien facile de procréer mais éduquer un enfant est une tâche bien pénible aussi bien pour le parent, que pour l’enseignant, qui dans bien des cas, se substitue au géniteur de l’enfant, pour l’adopter émotionnellement et devenir son confident. Mais le professeur est-il à même de prendre en charge psychologiquement TOUS ses apprenants ? Le professeur n’étant pas formé pour assumer une telle responsabilité, arrivera-t-il à être à la fois enseignant, parent et psychologue, sans que cela n’affecte son travail et sa pédagogie ? Il est évident que non ; d’autant plus que certains professeurs se cachent délibérément derrière le bouclier de l’austérité et de l’intransigeance pour gagner le respect de leurs élèves. Ces méthodes, souvent perçues comme vieillottes, contribueraient même à « la mise à mal » de l’enfant.

C’est donc d’un suivi psychologique professionnel que nos jeunes collégiens et lycéens auraient besoin en ce moment. Les mentalités moyenâgeuses qui apparentent la psychothérapie à la folie sont les plus folles ! Pour réaliser son « rêve finlandais », M.Neji Jalloul, devrait songer sérieusement à affecter des spécialistes dans les établissements scolaires, pour démocratiser l’accès aux consultations, et aider ainsi des centaines de jeunes, bien malheureux, mais beaucoup trop pauvres, et beaucoup trop fiers pour recourir volontairement au soutien thérapeutique dont ils ont besoin.

Des psychologues dans les écoles : pourquoi l’urgence ?

La Tunisie est en tête des pays arabes en matière de divorce, selon les derniers sondages réalisés par l’Institut National de la Statistique (INS). Il va sans dire que cela influe particulièrement sur les enfants, dont la majeure partie, traverse l’orage de la séparation sans soutien psychologique et sans accompagnement professionnel.

Il est à rappeler également, que les cas de cancer enregistrés en Tunisie augmentent d’une façon alarmante, d’année en année : combien d’enfants assistent-ils à l’agonie lente et douloureuse d’un parent ou d’un proche, tous les soirs, et vont à l’école tous les matins, ne font pas leurs devoirs, cherchent la petite bête, et se font taxer de délinquants par l’enseignant ? Le deuil chez l’adolescent mobilise une énergie psychique importante, et tout comme chez l’adulte, les conséquences du refoulement ne sont jamais douces.

Ce qui pourrait également affecter l’adolescent scolarisé, c’est évidemment, ses premières amours, qui ne sont pas, du moins pour lui, dérisoires. C’est souvent à l’école, que l’enfant apprend à aimer ; et en Tunisie, ce gros monstre dont on ne prononce pas le nom étant tabou, « l’Amour » et toute forme d’affection éprouvée pour le sexe opposé, relevant de l’interdit et de l’immoral, aucune conversation sérieuse, préparant l’adolescent aux aléas des histoires d’amour, n’est jamais engagée entre les parents et leurs enfants ; il en résulte des cœurs brisés qui provoquent une dégringolade scolaire momentanée, mais dont on rit nostalgiquement quand on grandit, mais il est des cas bien plus tragiques, où l’enfant ne grandit jamais…

Par ailleurs, la Tunisie traverse une lourde crise économique qui se traduit par la légèreté des portefeuilles des parents incapables de joindre les deux bouts. Cette situation provoque nécessairement une instabilité inquiétante que l’enfant traîne avec lui à l’école. La misère au quotidien ne peut que perturber l’adolescent et lui faire perdre l’envie d’apprendre – le caractère alléchant de nos méthodes d’enseignement et de nos programmes scolaires ne pouvant naturellement pas chasser momentanément le mal-être – .

En attendant des nouvelles de la Réforme éducative – mirage, qui se fait bien désirer, il est peut-être temps, que la société civile (les associations de la défense des droits de l’enfant, les associations des médecins et des étudiants en médecine etc…) se mobilise pour trouver des solutions, quand le gouvernement et les parties directement concernées ont visiblement, d’autres chats à fouetter. Il en va de la santé de nos enfants, et de l’avenir de nos écoles.

En réalité, tout le pays a besoin de se faire suivre, les tensions fusent de partout dans les rues ; les conducteurs sont à cran, les parents sont débordés, et il suffit d’écouter nos politiciens hargneux tempêter à la télé, pour appréhender un infarctus en direct.

Toutefois, nos enfants demeurent une priorité : investir dans leur éducation, et veiller à leur sécurité et à leur confort psychologique contribuerait à leur garantir un avenir prometteur ; et peut-être seront-ils capables de créer une bien meilleure démocratie que la nôtre ; ils n’auront peut-être pas à en arriver au quémandage pour sauver leur économie, et peut-être, arriveront-ils à rehausser l’image du pays en termes d’éducation, et lui épargneront-ils l’humiliante soixante cinquième position qu’il occupe dans le classement PISA.

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