Diplomatie tunisienne : Les défis à relever pour un ministre controversé

Le volet de la diplomatie tunisienne se retrouve à l’ordre du jour. Du départ d’un ministre fortement critiqué à la nomination d’un autre controversé, le ministère des Affaires étrangères demeure un département à forte polémique, nécessitant beaucoup d’adresse et de savoir-faire pour reluire l’image et redorer le blason de la Tunisie à l’échelle internationale.

C’est hier qu’a eu lieu le vote de confiance aux ministres du gouvernement Essid 2. Et c’est le ministre controversé des Affaires étrangères, Khemaïs Jhinaoui, qui a obtenu score le plus bas avec 134 pour, 23 abstentions et 29 contre.
Un score qui s’explique par la vive polémique déclenchée dès sa désignation. En effet, l’opposition reproche à M. Jhinaoui sa nomination en avril 1996 par décret présidentiel, au poste de chef de bureau des intérêts de la République Tunisienne à Tel Aviv, allant même jusqu’à considérer cette nomination comme étant une forme de provocation.

En réponse à ces accusations, Khemaïs Jhinaoui, a tenu à expliquer que sa désignation au poste susmentionné en Israël s’est effectuée dans le cadre de l’accord d’Oslo en 1993 entre l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et le gouvernement de Tel Aviv, et ce, sous la recommandation même du dirigeant palestinien Yasser Arafat.
Cette démarche pouvait, fortement, aider la politique entamée par le président palestinien à l’époque dans la mesure où elle pouvait encourager les parties israélo-palestiniennes à poursuivre les négociations pour le fondement de l’Etat palestinien indépendant en 1999.
D’ailleurs, l’évolution de cette ébauche de relations était conditionnée par le degré d’avancement positif dans le processus de paix entre Palestiniens et Israéliens.

Dans le même contexte, le syndicat du corps diplomatique a affiché son soutien à M. Jhinaoui à travers un communiqué rendu public hier en réponse à la polémique déclenchée suite à sa nomination en tant que ministre des Affaires étrangères.
Le Syndicat assure que M. Jhinaoui, de par son appartenance au corps diplomatique, obéit aux dispositions du règlement de base relatif aux agents du corps diplomatique, notamment, l’article 13 stipulant que tout diplomate se trouve dans l’obligation de travailler dans les missions diplomatiques, permanentes et consulaires à l’étranger.

Faut-il encore constater sur ce point, considéré comme « noir » par la majorité de l’opposition, que l’envoi de M. Jhinaoui par l’ancien président Ben Ali à Tel Aviv est en lui-même une preuve de son efficacité diplomatique. En tout cas, un simple examen de son cursus indique qu’il est incontestablement un diplomate chevronné.

Bref, les dés sont désormais jetés et Khemaïs Jhinaoui a obtenu le vote de confiance des représentants du peuple. La passation de fonctions entre Taieb Baccouche et lui au poste de ministre des Affaires étrangères a eu lieu en ce jour même, mardi 12 Janvier 2016.

Le plus important, maintenant, réside dans le fait que le nouveau chef de la diplomatie tunisienne se retrouve face à de nombreux chantiers, d’autant plus que les prestations de son prédécesseur n’étaient pas au top.
En effet, tous les observateurs s’accordent sur le rendement modeste, voire médiocre, de M. Baccouche au sein du département où il a enchaîné les gaffes diplomatiques, ce qui lui a coûté sa place au sein du gouvernement Essid.
Ainsi, M. Jhinaoui se retrouve face à plusieurs challenges qu’il doit relever. La tâche ne s’annonce pas de tout repos et il doit trouver les bons mécanismes afin de remettre le département sur les rails et redonner à la Tunisie son image d’antan sur la scène internationale.
Cette image a pris, effectivement, un sacré coup, notamment, avec les histoires d’enlèvement à répétition des citoyens tunisiens en dehors de nos frontières par des parties inconnues alors qu’ils exerçaient des activités à l’étranger.

Outre le cas, très médiatisé des deux journalistes Sofiène Chourabi et Nadhir Guetari, resté insoluble et aux perspectives floues et incertaines, d’autres citoyens se retrouvent souvent à la merci de groupes, parfois terroristes, dans des pays connus pour la précarité de leurs situations politiques et sécuritaires. Le dernier en date est celui de la fonctionnaire du Comité international de la Croix rouge (CICR), Nourhane Houas, détenue en otage au Yémen.
Et là aussi, on parle certes de progrès, mais rien de concret na été encore fait ou alors, c’est parce qu’il n’y a pas eu un minimum de communication pour éclairer l’opinion publique.

En plus de l’obligation de renforcer les acquis et les relations, jugées, déjà bonnes, la diplomatie tunisienne a la délicate mission de contribuer au développement économique grâce à une collaboration étroite avec les différents départements gouvernementaux, dont notamment ceux du tourisme, de développement économique, des investissements, de l’enseignement supérieur, de l’industrie, et bien d’autres…

En effet, par les temps qui courent, la politique étrangère est appelée à être agressive, innovante créative d’où la nécessité pour nos missions de multiplier les réseaux à travers le monde et s’impliquer plus profondément dans la prospection des marchés, une démarche entamée par Mongi Hamdi lors de son passage à la tête du département des Affaires étrangères sous le gouvernement de Mehdi Jomâa.
On citera, dans ce cadre, sa célèbre visite en Russie et les résultats, qualifiés à l’époque, de remarquables. Des résultants portant essentiellement sur les retombées économiques et financières de la visite.

En tout état de cause, il est indéniable, afin d’éviter certains couacs et autres flops du passé, qu’une coordination étroite et efficace soit établie entre ce département de souveraineté et la présidence de la République à qui incombe la vraie conduite de la diplomatie. Mais là, encore faut-il que le président de la République sache se limiter à son terrain et céder une certaine marge de manœuvre au titulaire du portefeuille de la diplomatie. A chacun son périmètre.
C’est dire que M. Jhinaoui aura des dossiers épineux à gérer, à savoir des cas difficiles de ressortissants tunisiens à l’étranger, faire asseoir une diplomatie agressive et novatrice et trouver l’attitude à suivre face à un président de la République « trop présent ». Ce ne sera pas à portée de main, mais à cœur vaillant…

Sarra HLAOUI

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