Critique littéraire : Le Cauchemar du Bathyscaphe .. Par Samar Miled

On découvre Sarah, personnage sympathique ; un peu compliquée, elle traîne sur ses pas un passé bien lourd : elle nous dit tout, on lit en elle comme dans un livre ouvert. On voit ce qu’elle voit, on ressent des choses auxquelles on n’est pas préparé, et on s’enlise dans son corps courbé, on y est comme pris au piège: Sarah se fait enlever et torturer par une horde sanguinaire, et Khaoula Hosni nous extirpe à la sérénité du quotidien, aux effluves bienfaisants du bon café bien chaud qui accompagne la lecture, et nous plonge dans un univers à goût de prison. On plonge comme un bathyscaphe, dans des eaux obscures et on s’y noie comme Sarah dans son sang, on s’y perd comme Sarah dans son bagne inconnu.

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Khaoula Hosni nous arrache à la tendresse d’une matinée ensoleillée, et nous rappelle que les nuages surplombent des terres éloignées : qu’une Sarah agonise sous les fouets de la guerre, que quelque part, les crocs des bêtes s’enfoncent dans la chair d’une femme agressée ou d’un enfant abandonné, et que le soleil d’une ville assiégée n’est que « le soleil noir de la mélancolie ».
On file la métaphore, et l’expérience personnelle du « je » offre des horizons de lecture pluriels. La douleur qui transperce le « je » traverse le lecteur comme une piqure de rappel : le monde imaginaire monstrueux qui torture Sarah, nous ramène paradoxalement à cette réalité terrible qui consume tous les jours, des gens qu’on pleure mais qu’on oublie bien trop vite.
L’identification au personnage féminin se fait donc machinalement, par la force interne de la trame psychologique et du discours introspectif qui se déploient allègrement dans le roman. C’est bien là toute la différence, entre le roman et le cinéma. Quand l’un donne libre cours au chant de l’âme, l’autre se nourrit du dynamisme de l’Image et souvent du caractère suggestif des silences des acteurs. Toutefois, le Cauchemar du Bathyscaphe a cela de particulier qu’il se lit comme l’on regarde un film : l’auteure a su marier l’univers littéraire au monde du cinéma.
En effet, dans notre roman, le cœur prend la plume pour devenir le moyen à travers lequel l’écrivaine analyse la complexité des relations modernes, souvent conditionnées par notre dévotion aveugle au travail ; le cœur écrit pour dire l’absence qui s’installe dans nos couples, dans nos familles, et dans nos vies, dans un monde où l’amour du Pouvoir et du Succès, extirpe à nos enfants leur droit à « l’attention parentale ».
Mais inspirée par les meilleurs drames romantiques de l’histoire du cinéma, Khaoula Hosni active sa baguette magique, rompt un instant avec l’ardeur du discours dramatique, qui prend vie grâce à l’effervescence des actions, et nous plonge dans des ardeurs différentes : les langueurs paresseuses d’un amour hollywoodien.
Et on regarde une romance, en feuilletant un livre.
Les effluves du cauchemar, des blessures qui déchirent, des relations qui se brisent, disparaissent de temps en temps, et entre deux explosions, une caresse ; entre deux chutes ténébreuses, une promesse.
L’histoire d’amour traverse le roman en éclair, et vient sauver le lecteur-Bathyscaphe, de la déchéance que lui impose le réalisme douloureux d’un livre qui s’ouvre sur une explosion. L’auteure visite donc les ruelles escarpées de la planète, et y déniche deux cœurs exceptionnels, prêts à défier une modernité où les amoureux n’existent plus que pour se tuer ; pour prouver au monde entier, qu’il est encore des Amours qui ne sombrent pas.
Pourvu que ça dure ! Le Cauchemar du Bathyscaphe, le premier tome d’une trilogie qui s’annonce téméraire..

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