Crise de Nidaa – Le premier échec de Béji Caïd Essebsi

Le congrès de Nidaa Tounes tenu à Sousse les 9 et 10 janvier n’a pas eu les résultats escomptés. Il était conçu comme une tentative pour dépasser les difficultés internes de ce parti. Il a abouti à une véritable implosion et à une hémorragie dans ses rangs qui a touché des dirigeants et des cadres de premier plan. Pour avoir oublié l’essentiel et opté pour le passage en force, il en est sorti de ce congrès que des perdants. Parmi ces perdants, et peut-être le premier d’entre eux, Béji Caïd Essebsi, fondateur de Nidaa et actuel président de la République.

Disons le clairement et avant toute autre chose, Béji Caïd Essebsi a été une chance pour la révolution et pour le pays, presque une bénédiction. C’est grâce à lui que le pays a réussi la première phase de la transition démocratique qui a conduit aux élections du 23 octobre 2011. C’est aussi grâce à lui, en grande partie, que le paysage politique national a été équilibré à l’issue des élections du 26 octobre 2014, au point de déloger le parti islamiste de sa position de parti dominant. Pour toutes ces réussites, Béji Caïd Essebsi est entré dans l’histoire de ce pays comme l’une des personnalités politiques les plus influentes et qui ont beaucoup apporté à la révolution.

Mais tout cela ne disculpe pas Béji Caïd Essebsi de sa responsabilité directe dans la crise de Nidaa, une responsabilité qui s’étale dans le temps et qui comporte plusieurs phases, dont la première quand il était aux commandes de Nidaa. En effet, il s’était opposé farouchement à l’organisation du congrès de son parti favorisant une gestion très peu démocratique basée sur sa seule autorité, incontestée il est vrai, et son sens de l’équilibre entre les différentes factions rivales au sein du parti. Par ce comportement, le fondateur de Nidaa a privé son parti de structures stables et d’un programme clair, consigné dans des motions discutées et votées démocratiquement, rendant tout écart de la ligne du parti quantifiable d’abord, et répréhensible ensuite.

Après son élection à la tête de l’Etat, Béji Caïd Essebsi a contribué à priver Nidaa de ses principaux cadres qui ont été disséminés dans des postes gouvernementaux ou administratifs, ou encore au sein de la nouvelle équipe du cabinet présidentiel. Cela a créé un grand vide au sein de Nidaa, privé de son chef et de ses principaux lieutenants. Ce vide a profité à une horde d’opportunistes et d’aventuriers qui se sont propulsés aux commande d’un parti désorienté et se sont autoproclamés dirigeants légitimes. Pourtant, même Hafedh, le fils du fondateur du parti, utilisé par ceux- là comme éventail et paravent, manquait cruellement de légitimité, tant son parachutage, par son père, à la tête des structures du parti, était contesté. Ce sont ces dirigeants de fortune, qui ont tout à gagner et rien à perdre, qui ont attisé la crise au sein de Nidaa et ont imposé le passage en force à Sousse, provoquant l’ire et l’indignation de tous.
La fronde d’une trentaine de députés Nidaa aurait pu alerter le fondateur de la gravité de la crise au sein de son parti. Mais à une attitude conciliante, qui aurait pu contenir les rivalités, calmer les esprits et raisonner les ambitions des uns et des autres, il a choisi une attitude hautaine envers ceux qui ont exprimé leur mécontentement et pris des initiatives qui favorisent le clan porté par son fils.

Pour avoir pris de mauvaises décisions, successives et étalées dans le temps en sa qualité de fondateur et premier dirigeant de Nidaa, Béji Caïd Essebsi essuie aujourd’hui son premier échec, lui qui auparavant, avait tout gagné. Son intervention pour reporter la réunion du comité politique issu du congrès de Sousse et sa prochaine rencontre avec Mohsen Marzouk pour tenter de le ramener à de meilleurs sentiments pourraient aboutir à une accalmie mais Nidaa ne sera plus comme avant.

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