Par son silence, Béji Caïd Essebsi a dit son dernier mot….par Sarra HLAOUI

Le président de la République n’a pas promulgué les amendements de la loi électorale. Voilà l’évènement ayant marqué l’actualité politique ces derniers jours et, qui a désormais créé une vive polémique et fait couler beaucoup d’encre. Les analyses ont fusé de toutes parts et les réactions n’ont pas manqué pour juger cette décision de Béji Caïd Essebsi. Retour le dernier épisode d’un long feuilleton.

Depuis leur adoption par les députés au parlement, les amendements de la loi électorale ont suscité une vive polémique. Considérés, par les uns, comme une loi taillée sur mesure pour exclure certains adversaires politiques ayant montré une ascension fulgurante lors des derniers sondages d’opinion. D’autres ont estimé qu’il s’agit d’une loi permettant de barrer la route aux personnes ayant profité des failles juridiques pour se positionner sur l’échiquier politique. Quoi qu’il en soit, la majorité des experts en droit constitutionnel se sont accordés sur l’inconstitutionnalité de ces amendements, outre les observateurs sur la scène politique, qui ont considéré indécent le changement des règles du jeu à quelques semaines des élections.

Toutefois, l’instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des projets de lois les a validés, et la balle a été placée dans le camp du président de la République qui devait apposer sa signature et ordonner leur publication dans le Jort. Il avait, également, la possibilité de les renvoyer au parlement pour une deuxième lecture ou les soumettre au référendum.

Et c’est justement là, que les interrogations et les interprétations ont fusé de toutes parts. De multiples débats ont commencé pour discuter des délais, des textes de loi et tout le monde s’est converti en de fins experts constitutionnalistes. Des jours d’attente se sont écoulés, signera… ne signera pas… cèdera-t-il à telle ou telle pression. Au final, le verdict est tombé et contre toute attente, Béji Caïd Essebsi n’a pas signé, rejetant toutes les hypothèses et les autres spéculations.

Les fervents défenseurs des amendements ont crié au scandale à la fin des délais impartis, ils ont tancé violemment le comportement du président de la République l’accusant d’avoir enfreint la Constitution. Certains, ont même appelé à sa destitution considérant qu’il a commis une grave erreur. Or, faut-il encore le rappeler, seule la cour constitutionnelle est habilitée à trancher sur cette question et dire si Béji Caïd Essebsi, en s’abstenant de signer et de promulguer cette loi, aurait commis une erreur grave pouvant justifier sa destitution. Finalement, l’absence de cette haute institution revient aux calculs partisans étroits et l’échec des députés à trouver un consensus autour des membres de cette cour, qui en temps normal ne devrait pas poser de problème, dans la mesure où les membres doivent être élus pour leur compétence et non pour avoir la bénédiction des partis politiques.

Toujours est-il les faits sont là et les dés sont jetés. Les nouveaux amendements ne paraitront pas dans le Jort avant le 22 juillet 2019, date du dépôt des candidatures pour les législatives. L’Isie se trouve contrainte d’appliquer l’ancien Code électoral, pour le grand bonheur des personnes visées par lesdits amendements. Les Nabil Karoui, Olfa Terras ou encore Abir Moussi jubilent, face à « leur victoire » malgré le passage en force du gouvernement.

Parallèlement, certains parlent d’accord conclu entre la famille de Béji Caïd Essebsi, plus précisément, Hafedh Caïd Essebsi, et Nabil Karoui, principal vainqueur de ce long bras de fer. D’ailleurs, lors de son intervention médiatique sur la chaîne El Hiwar Ettounsi, Hafedh Caïd Essebsi a assuré avoir rencontré Nabil Karoui. Selon lui, ce fût un rendez-vous amical improvisé, n’ayant aucun rapport avec les tractations et les calculs politiques en cours. Une apparition médiatique du fils du président de la République qui est, désormais, très critiquée, puisqu’il a beau être le fils du président, cela ne lui donne à aucun moment, le droit de se prononcer en son nom et encore moins au nom de la présidence de la République. Sauf que pour satisfaire son égo, et narguer ses adversaires, Hafedh Caïd Essebsi est intervenu sur un plateau télévisé à une heure de grande audience, afin de marquer des points et faire prévaloir son statut de fiston.

En tout état de cause, le chef de l’Etat a bien su cacher son jeu jusqu’au bout. Et en fin connaisseur des lois, il a réussi à manier les textes de loi en toute habileté. Toutefois, le silence qui a entouré tout cet épisode, déterminant du processus démocratique en Tunisie, ne peut être applaudi. L’opinion publique a besoin d’éclaircissements de la part du locataire de Carthage, car on veut bien qu’il soit contre les principes d’exclusion, ou la promulgation d’une loi inconstitutionnelle. Cependant, les Tunisiens ont le droit de connaitre et de comprendre ce qui s’est passé et les arguments justifiant la décision de Béji Caïd Essebsi.

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