Nidaa et Ennahdha, réunis par ce qui les a séparés !par SARRA HLAOUI

Plus que quelques mois séparent la Tunisie des prochaines élections et les jeux sont loin d’être faits. Alliance, rupture, union et retrouvailles, tout est encore possible. La rencontre entre Rached Ghannouchi et Hafedh Caïd Essebsi s’inscrit dans ce cadre. Retour sur une réunion qui a attiré l’attention d’une grande partie des observateurs de la scène nationale.

Un bref post a été publié sur la page officielle du chef du mouvement islamiste, Rached Ghannouchi, concernant sa rencontre avec le président du comité politique, de Nidaa Tounes, Hafedh Caïd Essebsi. Une rencontre qui « a porté sur la situation générale du pays », indique-t-on sur la page du Cheikh.

Aucun autre détail n’a été communiqué sur l’objet de cette rencontre, mais la simple annonce en fait un évènement significatif pour tous les observateurs de la scène politique. C’est dire qu’il s’agit de la première rencontre entre les deux alliés d’hier depuis une longue rupture aussi bien du dialogue, que des intérêts communs.

En effet, cette séparation entre Nidaa Tounes et le mouvement Ennahdha a été annoncée par le président de la République, Béji Caïd Essebsi lors de son interview avec Myriam Belkadhi, à cause du conflit autour du maintien de Youssef Chahed à la tête du gouvernement. C’était, faut-il encore le rappeler, la principale raison de la suspension de l’Accord de Carthage II, et le point de départ d’une guerre déclarée entre Carthage et la Kasbah, où tous les coups sont permis. Face à cette situation, Ennahdha, a choisi son camp, affichant son soutien à la stabilité gouvernementale, un si précieux soutien sans lequel Youssef Chahed n’aurait jamais réussi à continuer à la Kasbah malgré le bloc parlementaire qu’il a pu conquérir.

Sauf que cette harmonie naissante ne semble pas faite pour s’inscrire dans la durée. Et c’est avec la formation du mouvement Tahya Tounes, parti politique né autour du chef du gouvernement et toute la dynamique qu’il a engendré, que le mouvement islamiste a réitéré à maintes reprises ses mises en garde contre l’exploitation de l’appareil de l’Etat à des fins partisanes. Il est clair, qu’à travers les communiqués du mouvement et les déclarations de Ghannouchi, qui n’a pas exclu un éventuel remaniement ministériel, qu’Ennahdha commence à émettre des réserves et que ses craintes deviennent de plus en plus réelles, notamment, à la suite de l’ascension fulgurante de Youssef Chahed et de son parti dans les sondages d’opinion.

De l’autre côté, chez Nidaa Tounes, les choses ne vont pas mieux, après avoir été déchiqueté, le peu qui reste du mouvement peine à survivre, et les conflits internes ne sont pas prêts de prendre fin pour bientôt. C’est dire que, malgré le retour de plusieurs de ses anciens dirigeants, le mouvement construit par Béji Caïd Essebsi pour contrebalancer le poids électoral d’Ennahdha, a du mal à tenir son congrès électif. Et pour raison, un Hafedh Caïd Essebsi qui refuse l’idée d’être écarté par les urnes. Une situation qui n’est, désormais, point favorable à quelques mois de la tenue des prochaines élections.

Face à cette conjoncture, les deux mouvements, alliés d’hier, semblent retrouver un certain terrain d’entente. D’ailleurs, certains bruits courent dans les couloirs politiques à propos d’une éventuelle rencontre qui aurait eu lieu samedi dernier entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi..

Dans tous les cas, la rencontre avec le fils, elle, au moins a été confirmée par le président du mouvement Ennahdha et son porte-parole, Imed Khemiri qui s’est félicité de la reprise du dialogue et assure que ce dialogue sera même continu. La bénédiction de cette réconciliation est venue, également, de la part de Abderraouf Khammassi, dirigeant Nidaa, qui a estimé que la rupture ne peut servir que les ennemis du choix démocratique. Un avis qui n’est pas partagé par un autre courant au sein de Nidaa Tounes, à l’instar de la députée Fatma Mseddi qui a refusé le rétablissement des relations avec Ennahdha, appelant à un changement urgent de la direction du parti.

En tout état de cause, les changements sur la scène nationale sont loin d’être terminés, et les calculs politiques s’accélèrent de plus belle. Cependant, il est important de noter que toutes les manœuvre et autres dispersions des forces progressistes ne serviront l’intérêt d’aucune partie et ne feront qu’affaiblir leur positionnement. Le mouvement Ennahdha demeure intouché par toutes ses guerres intestines dans la mesure où il bénéficie d’un noyau dur et d’un corps électoral immuable, et seuls les autres frères ennemis auront à payer pour leurs égos démesurés, sauf que la facture risque d’être très salée.

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