L’impact de la crise Russo-Ukrainienne sur l’Algérie : cas de la relation avec l’Italie .. Par Arslan Chikhaoui

L’Algérie est l’un des pays du Moyen Orient et de l’Afrique du Nord à être le moins exposé à l’impact économique de la crise politico-militaire russo-ukrainienne, car aussi bien la Russie que l’Ukraine ne représentent que 3% de ses importations en blé. Selon les récentes déclarations du Ministre de l’Agriculture, les stocks nationaux seront suffisants pour répondre à la demande domestique jusqu’en janvier 2023. De plus, comme l’Algérie est exportateur à 96% d’hydrocarbures (gaz et pétrole), la hausse des prix sur le marché international compensera incontestablement celle de la facture alimentaire.

Au niveau diplomatique, l’Algérie subit, depuis le début de cette crise, des pressions occidentales pour se démarquer de la Russie. Ces dernières semaines nous avons assisté à un balai diplomatique de la part des USA, de l’Italie et de la France pour demander aux Autorités politiques Algériennes d’augmenter les exportations de gaz naturel vers l’Europe qui est en quête de diversifier ses sources d’approvisionnement alternatives à la Russie. Il semble que l’Algérie soit enclin à accepter mais à condition que ni l’Europe ni les Etats Unis n’interfèrent dans les relations bilatérales stratégiques Algéro-Russes. En ce sens, que l’Algérie a réaffirmé sa posture de non alignement en s’abstenant, le 2 Mars 2022, sur la résolution de l’Assemblée Générale des Nations Unies condamnant l’invasion Russe de l’Ukraine et le 7 avril, en votant contre la résolution suspendant la Russie du Conseil des Droits de l’Homme. Dans son plaidoyer, l’Algérie a ainsi fait valoir que les mécanismes de l’ONU étaient nécessaires pour enquêter sur les violations des droits de l’homme sur le terrain de manière neutre et impartiale afin de rendre justice à toutes les victimes.

Avec l’Italie, en particulier, la relation bilatérale semble passer d’une relation de partenaire de conjoncture à une relation de partenaire stratégique plus renforcée et élargie. En effet, avec la signature, la semaine dernière, de l’accord portant sur l’augmentation de l’approvisionnement de l’Italie en gaz naturel, l’Algérie devient le partenaire stratégique énergétique de l’Italie. L’objectif est de porter progressivement les livraisons algériennes de gaz naturel à 30 milliards de mètre cube (contre 21 actuellement), soit une augmentation de 9 milliards de mètre cube en crescendo. En pratique et compte tenu des capacités actuelles, une hausse de 3 milliards de mètre cube serait possible dès 2022, le complément se fera à partir de l’année 2023.

Il est vrai que les relations algéro-italiennes ont toujours été sereines et fructueuses. Toutefois, depuis 2021, les relations entre les deux pays sont entrées dans une nouvelle phase de consolidation par des visites continues, en Algérie, de hauts responsables italiens que le Président de la République, Sergio Mattarella, avait donné le « La », suivi du Ministre des Affaires Etrangères, Luigi Di Maio. Ensuite, le 11 Avril 2022, ce fut le tour du Président du Conseil des Ministres, Mario Draghi, accompagné du PDG de l’entreprise pétrolière ENI. En effet, lors de cette dernière visite, les deux gouvernements ont signé une déclaration d’intention sur la coopération bilatérale dans le domaine de l’énergie au sens large du terme incluant les énergies renouvelables et l’hydrogène vert et qui vient s’ajouter à l’accord entre Eni et Sonatrach pour augmenter les exportations de gaz algérien vers l’Italie en utilisant les capacités disponibles du gazoduc Enrico Mattei (Transmed). Cet accord permet, également, aux deux sociétés de fixer les niveaux des prix de vente de gaz naturel en adéquation avec les conditions du marché, pour la période 2022-2023. Cet accord matérialise le renforcement de la coopération entre les deux sociétés aussi bien dans les activités d’exploration et de production d’hydrocarbures que dans le domaine des énergies renouvelables, telles que l’énergie solaire, l’hydrogène, les biocarburants, le captage, le stockage et l’utilisation du CO2. De plus, les deux parties se sont entendues sur d’étudier un projet d’exportation de l’électricité vers l’Italie à travers la réalisation d’un câble électrique sous-marin de 270 km entre Annaba (Est de l’Algérie) et la Sicile (Sud de l’Italie). Le câble sous-marin sera réalisé en parallèle avec le gazoduc reliant l’Algérie à l’Italie (Sicile) via la Tunisie, connu sous le nom de gazoduc Transmed-Enrico Mattei. Un projet qui devrait être confié au Groupe Algérien Sonelgaz qui envise de produire 22 000 MW d’électricité verte, à partir des ressources renouvelables, d’ici 2023. Dans sa déclaration finale, le Président du Conseil des Ministre Italien, Mario Draghi, a soutenu que «Les pays du Sud de l’Europe peuvent ainsi former, avec ceux du Nord de l’Afrique, un hub d’électricité produite à partir du gaz, ainsi que de sources renouvelables».

Ces échanges politiques algéro-italien de haut niveau sont appelés à se poursuivre dans les prochains mois avec, la visite, fin Mai, en Italie du Président de la République, Abdelmadjid Tebboune, et la tenu du quatrième Sommet Intergouvernemental à Alger en Juillet.

L’Italie ne veut pas se contenter seulement d’une hausse de 50% de ses approvisionnements en gaz naturel mais le gouvernement de Mario Draghi envisage de débloquer des fonds pour financer des projets mixtes, notamment dans le domaine de l’innovation technologique et pourquoi pas dans la cyber-sécurité et, également, renforcer la coopération dans les secteurs de l’Agriculture, des Transport, de la Construction, ainsi que la colocalisation industrielle.

En somme, la crise politico-militaire Russo-Ukrainienne est en train de permettre une recomposition et une redéfinition du niveau des alliances entre l’Algérie et ses partenaires ainsi que sa posture à l’entame de cette nouvelle Ere qui se veut de plius en plus multipolaire. L’Algérie va devoir conjuguer son approche géopolitique entre l’aire d’intérêt commun et l’aire d’intérêt statégique des différents acteurs de puissance et ce sans pour autant déroger à ses fondamentaux de non alignement et de non ingérence dans les affaires politiques internes.

16.4.2022

Dr. Arslan Chikhaoui, Expert en Géopolitique

 

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