Les islamistes imposent plus de respect que le nouvel entourage de Béji Caïd Essebsi .. Par Nizar Bahloul

Dans la guéguerre opposant Béji Caïd Essebsi à Youssef Chahed, le président de la République a marqué quelques précieux points cette semaine. Le premier a l’expérience, le deuxième a la jeunesse. Le premier n’a en revanche qu’un an d’existence (politique, cela s’entend), le second a encore toute la vie. Pour les précieux points marqués cette semaine, Béji Caïd Essebsi a sorti son joker gagnant. Le joker qui a souvent gagné, depuis Bourguiba jusqu’à Ben Ali, celui de la diabolisation des islamistes et particulièrement des islamistes d’Ennahdha. A vrai dire, il n’y a pas grand-chose à diaboliser quand on parle d’Ennahdha, ils sont les diables qui menacent la civilité de l’Etat, point. Ce constat déjà fait sous Bourguiba et Ben Ali a été réitéré en 2011, puis en 2012, puis en 2013. Même qu’en 2013, on s’est mobilisé par dizaines de milliers au Bardo pour affronter une fois pour toutes ceux qui menacent notre civilité, notre républicanité, notre laïcité, notre modèle social.

Les ambassades occidentales étaient à l’époque mobilisées toutes pour soutenir ces islamistes nous expliquant qu’ils sont de gentils politiciens et de pauvres victimes. Elles leur ont donné l’argent par dizaines de millions de dinars, elles leur ont mobilisé des cabinets de lobbying, de stratégie et de communication pour leur apprendre à porter des vêtements et des costumes , pour leur apprendre à parler, à se comporter, à se tenir. Elles les ont aidés à rédiger la constitution et à réécrire l’Histoire (par l’intermédiaire de leur Sihem Ben Sedrine) comme ils la voudraient.

 

Malgré tout cela, le Tunisien n’a pas oublié l’Histoire (la vraie) et n’a pas gobé l’idée que les islamistes sont de gentils patriotes qui nous veulent du bien. En 2014, il a voté Béji Caïd Essebsi, le candidat qui nous a promis d’en finir avec cette mascarade lancée en 2011 et les grossiers mensonges l’accompagnant. Le 31 décembre 2014, BCE entre au palais de Carthage et enterre sa promesse. Sihem Ben Sedrine a pu poursuivre son entreprise de mensonges et de réécriture fallacieuse de l’Histoire et les islamistes sont désormais des partenaires au pouvoir. On avait beau crier au scandale et la supercherie, le danger et la menace, Béji Caïd Essebsi a cédé aux sirènes étrangères en nous expliquant matin, midi et soir que les islamistes sont des gens comme les autres, qu’on ne doit pas les exclure et qu’il ne peut pas gouverner sans eux. Parait-il c’est la constitution (qu’ils ont eux-mêmes écrite) qui impose cette cohabitation avec le diable. Le diable qui n’est plus diable, car Rached Ghannouchi (dixit BCE) est un ami et un confident fiable et fréquentable. Nous avons donc vécu cela en 2015, 2016, 2017 et les trois premiers trimestres de 2018.

Maintenant, Béji Caïd Essebsi nous explique, d’une manière à la fois grossière et subtile, que les islamistes sont des méchants terroristes qui ont un appareil secret, qui peuvent assassiner et menacer la stabilité de l’Etat et le modèle sociétal du Tunisien ! Quatre ans après son élection, il en apprend des choses le Béji Caïd Essebsi ! Il ouvre son tiroir, il nous sort un vieux dossier abondamment abordé depuis 2013, et nous dit : « Attention, chien méchant ! ».

 

Monsieur le président, votre guéguerre avec Youssef Chahed, dont l’objectif est de garantir une place de choix à votre fils, est énergivore pour nous. Si vous estimez que les islamistes sont dangereux, demandez au procureur d’ouvrir une instruction judiciaire en bonne et due forme et d’accélérer les procédures. Mais vous ne pouvez plus les exclure après les avoir remis en selle, quatre ans auparavant. Vous ne pouvez pas nous dire en 2018 le contraire de ce que vous nous avez dit en 2015. Les islamistes font partie du paysage, les exclure aujourd’hui est tout simplement dangereux. Dissoudre Ennahdha en 2018 (ou 2019) est synonyme de la dissolution du RCD en 2011. Vous aviez un seul adversaire affiché, vous en aurez dix après la dissolution. Si vous voulez casser Ennahdha, c’est par les urnes. Le filon judiciaire est épuisé, vous auriez dû l’utiliser depuis janvier 2015 quand on vous a supplié de le faire, parce qu’il était encore temps. Maintenant, c’est trop tard ! Ceux qu’on qualifie de terroristes d’Ennahdha, on les connait, tout comme on connait leurs complices des autres partis. Ils s’appellent Mohamed Ben Salem, Abdelkarim Harouni, Abdellatif Mekki, Salim Ben Hamidane, Walid Bannani, etc. On les a dénoncés, on a parlé de leurs valises en devises, de leurs magouilles, de leurs financements occultes. Vous n’avez rien fait à l’époque, quand il était encore temps. Maintenant, il est trop tard, laissez tomber ! Trouvez un autre filon pour casser Youssef Chahed, celui des islamistes est épuisé.

Quant à votre fils, il est également trop tard pour lui garantir une place de choix au palais de Carthage après votre départ. Il fallait l’encadrer et l’accompagner politiquement bien avant. Il fallait lui apprendre, quand il était encore temps, de courir les plateaux de télévision et les studios de radio pour exposer ses idées et programmes.

 

Dernier point, si je peux me permettre, votre nouvel entourage au palais de Carthage risque très fort de vous nuire et de casser le peu qu’il y a encore à sauver de votre quinquennat. Cet entourage use de méthodes déloyales et abjectes pour tenter de faire taire vos adversaires. Non seulement, ils vous induisent en erreur et vous font courir un danger, mais ils jouent avec le feu et menacent tout le processus démocratique.

Cette idée de faire sortir le joker islamiste, ces manœuvres de salir l’honneur des journalistes et hommes politiques, à travers des pages Facebook anonymes, d’appeler les annonceurs publicitaires des médias hostiles pour les menacer, ces mobilisations de gilets rouges, vulgaire plagiat des « Gilets jaunes » français, c’est de la basse politique. De la très basse politique, indigne du Béji Caïd Essebsi pour qui on a voté en 2014.

Les islamistes imposent plus de respect que votre nouvel entourage. Eux, au moins, ils incarnent le diable et on les a identifiés comme tels. Votre nouvel entourage n’a même pas le courage de mener des combats à visage découvert, il se cache derrière les pseudonymes et les rideaux pour lancer des frappes. De tout temps, Béji Caïd Essebsi, la lâcheté et vous ça fait deux, ce n’est pas à 92 ans que vous allez commencer ! Joyeux anniversaire !

 

 

Business News

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *