Épisode 3 : De l’Afghanistan à l’Irak, les renoncements américains

 

La date n’a pas été choisie au hasard : le 11 septembre 2021, les Etats-Unis commémoreront les vingt ans des attentats de 2001 et le retrait définitif des troupes américaines sera enfin achevé en Afghanistan. Un soulagement pour l’opinion publique américaine qui voit se terminer le plus long conflit de son histoire. Mais les talibans ont fait leur retour et ne cessent d’accroître leur emprise sur le territoire, à tel point que leur accession au pouvoir apparaît désormais inévitable. Alors, à quoi auront servi les vingt années d’une guerre coûteuse et meurtrière pour, au final, rendre le pays à ceux que l’on avait promis d’en chasser, les talibans ?

La guerre en Irak l’a bien montré : on ne quitte pas impunément un pays après tant d’années de présence armée. Pour beaucoup, en effet, il faut voir dans l’émergence de l’Etat islamique une des conséquences du chaos instauré dans le pays après l’invasion américaine et la gestion désastreuse de l’après-guerre. C’est ici que réside le paradoxe : si, en Afghanistan comme en Irak, les Américains furent perçus comme une force d’occupation étrangère engagée dans des guerres injustes, leur départ risque de créer un vide sur lequel pourraient prospérer les réseaux terroristes.

Alors, quel est le bilan de ces guerres contre le terrorisme lancées dans le sillage des attentats du 11 septembre ? Pourquoi la politique de « démocratisation » du Moyen-Orient – brandie comme la solution miracle pour éradiquer le terrorisme – a-t-elle échoué ? Les interventions américaines en Irak et en Afghanistan sont-elles autre chose qu’un renoncement ?

Une conversation avec Elie Tenenbaum, responsable du laboratoire de recherche sur la défense de l’Ifri et Myriam Benraad, chercheuse associée à l’Institut de recherches et d’études sur les mondes arabes et musulmans, Université d’Aix-Marseille.

Fin 2001, la victoire militaire américaine est totale. Al-Qaïda est battu, les camps d’entraînements sont dispersés, les talibans sont en déroute. En 2010-2011, quand les États-Unis quittent l’Irak, Al-Qaïda en Irak est une organisation exsangue. C’est l’incapacité à avoir un projet politique durable et satisfaisant, notamment avec les populations arabes sunnites en Irak, qui va conduire à la réémergence des forces islamistes. La réintervention militaire dans la région est due à un problème politique. Elie Tenenbaum 

L’arrivée de l’État Islamique en Afghanistan est à lier au contexte sécuritaire chaotique créé par l’intervention militaire américaine. Il faut ajouter à cela qu’une partie de la jeunesse afghane a été témoin de la violence des opérations étatsuniennes et talibanes. Il y a également une grande misère sociale et un dépérissement du politique : d’ailleurs il n’y a pas d’État en Afghanistan au pouvoir actuellement. C’est pourquoi la pire des options l’emporte. La jeunesse fait le choix de l’État islamique, qui ne cesse de progresser à l’est du pays. Myriam Benraad 

Seconde partie – le focus du jour

Iran-Etats-Unis : les rendez-vous manqués de la guerre contre le djihadisme sunnite

Avant d’être frappé par la menace terroriste islamiste sunnite le 11 septembre 2001, la principale menace désignée par les Etats-Unis post-guerre froide était incarnée par la théocratie chiite iranienne, violemment anti-américaine. Cette nouvelle guerre contre le terrorisme va donner à ces deux ennemis des convergences d’intérêts, d’abord contre les talibans, puis contre Daesh. A plusieurs reprises, ces cibles communes ont offert à Washington et Téhéran des occasions de rapprochement – toutes manquées, au nom d’un désaccord idéologique de leurs rapports bilatéraux.

Avec Didier Chaudet, consultant indépendant, spécialisé sur les questions géopolitiques et sécuritaires en Asie du Sud-Ouest et en Asie Centrale post-soviétique, auteur sur Asialyst.

Les Iraniens se sont engagés aux côtés de l’Afghanistan dans les années 90 en fournissant des armes et un soutien militaire. C’est pour cela qu’ils ont été écoutés. Par la suite, l’Iran a joué le rôle du bon voisin de l’Afghanistan financièrement et sur le plan humanitaire. C’était dans son intérêt de procéder de cette façon, car l’Afghanistan représente un danger par son flux migratoire – entre 2,1 et 2,5 millions de migrants illégaux dans le pays – et par le trafic de drogue, notamment de l’héroïne, qui alimente la population iranienne. Didier Chaudet

Une émission préparée par Margaux Leridon et Mélanie Chalandon. 

Références sonores

  • Extrait de l’allocution télévisée de Joe Biden du 14 avril dernier au cours de laquelle il annonce le retrait des troupes américaines d’Afghanistan d’ici le 11 septembre prochain (France 24, 14 avril 2021)
  • Témoignage d’un étudiant ayant assisté à l’attentat sur le campus de l’université de Kaboul en novembre dernier (Euronews, 02 novembre 2020) témoignage d’un autre étudiant et de son père (TV5 Monde, 02 novembre 2020)
  • Annonce de la mort d’Abou Moussab al-Zarkaoui le 08 juin 2006 lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche (C-Span, 08 juin 2006)
  • En juin 2014, le président Hassan Rohani annonçait que l’Iran était prêt à apporter une aide militaire au sein de la grande coalition contre le terrorisme (France 24, 14 juin 2014)

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