Éducation en Tunisie : les élèves jouent dans la cour des grands .. Par Samar MILED

La crise du secteur éducatif fait les Unes des journaux en Tunisie. Les professeurs protestent continuellement, boycottent les examens, s’insurgent fermement contre le ministère de l’Education, qui selon eux, n’a pas initié de véritables réformes révolutionnaires depuis la Révolution. Les parents et les élèves réagissent et protestent à leur tour contre les moyens employés par les professeurs pour exprimer leur insatisfaction. Les élèves ont même crée un syndicat : le syndicat national des élèves tunisiens, lancé officiellement le 23 janvier 2019.

Ça crie tout le temps, me dira-t-on : les professeurs, les parents, les élèves… Tous sont malheureux. C’est fâcheux, j’en conviens, mais ils exercent tous un droit, et peut-être faut-il faire la gueule pour ne pas tomber dans la gueule du Loup ? Je m’intéresse à ces mouvements légitimes de près, et j’ai presque envie de marcher avec les parents le matin, de manifester avec les élèves l’après-midi, et de faire nuit blanche au ministère le soir.

Rappelez-vous, sous Ben Ali. A l’époque, on apprenait plein de choses à l’école, par exemple : la philosophie et l’éducation civique, deux matières qui nous introduisaient le Droit et prônaient les libertés individuelles, mais ironiquement, on n’en avait pas. Il fallait les apprendre par cœur pour l’examen, mais jamais pour la vie.

Aujourd’hui, nos enfants exercent leur droit fondamental à la liberté de parole. Ils ne l’ont pas appris dans les manuels scolaires, comme quoi, tout ne s’apprend pas à l’école. Nos enfants découvrent la liberté d’expression, le droit d’avoir une opinion, le droit d’exprimer son mécontentement dans la discipline et la bonne conduite.

Ce texte n’est pas un appel à l’anarchie, au contraire, j’admire la démocratie qui envahit nos rues et nos écoles. Je vois dans les mouvements contestataires qui se multiplient, une poésie. Aujourd’hui, se défendre devient un art, pour celui qui, sous Ben Ali, a appris les maths le matin et la soumission l’après-midi, parce qu’on lui aura cassé les oreilles en cours d’Histoire, avec les « tais-toi, les murs ont des oreilles ».

Aujourd’hui, nos enfants brisent le grand mur qui les séparait de leurs enseignants et leur transmettent leurs inquiétudes par le biais d’un mouvement collectif syndicalisé et constitué en bonne et due forme. Les professeurs quant à eux, brisent métaphoriquement la barrière qui leur défendait de confronter le ministère ; et j’insiste sur « métaphoriquement » pour qu’on ne me fasse pas dire que les enseignants ont pris d’assaut le siège du ministère de l’Education… Ils ont organisé, à ma connaissance, un sit-in pacifique, et les cours sont maintenus dans toutes les institutions scolaires du pays.

Entre nous, si nous avions à choisir entre un passé « mauvâtre » humiliant, et un présent tumultueux, et bien, choisissons l’avenir, c’est-à-dire : apprendre du passé, arracher nos droits au présent pour vivre dignement dans l’avenir. Entre le silence imposé des dictatures et la liberté exercée des démocraties, choisissons la liberté, et apprenons à nos enfants l’art de gouverner avec le gouvernement. Et le jour où nos chefs d’institutions, qu’ils soient ministres ou syndicalistes, prennent des airs de Loups, rappelons-leur, qu’ils ont à leurs trousses, une Meute.

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