Crise Russo-Ukrainienne: Position diplomatique et énergétique de l’Algérie .. Par Dr. Arslan Chikhaoui,

Crise Russo-Ukrainienne: Position diplomatique et énergétique de l’Algérie

Depuis le début de la crise russo-ukrainienne, le 12 février 2022, qui s’est vite transformée en un conflit dit de moyenne intensité avec l’incursion de l’armée russe en Ukraine, l’Algérie a opté pour une position de neutralité affichée et non déclarée qui conforte sa posture d’intérêts diplomatiques et économiques mutuelles avec, d’une part, la Russie considérée comme un allié et avec laquelle elle fêtera cette année ses 62 ans de relation stratégique et, d’autre part, avec l’Europe considérée comme un partenaire naturel dans son prolongement géographique. Cette posture a été déjà adoptée par l’Algérie, par exemple, en 2017, lors de la crise politico-militaire entre le Qatar, les Etats Arabes Unies et l’Arabie Saoudite.
En effet, cette position de neutralité est en adéquation avec les principes doctrinaux sur lesquels l’Algérie a bâti, depuis son indépendance, sa politique étrangère optant de plus en plus, pour une politique d’intérêts non dogmatique avec comme sous bassement le soutien indéfectible des aspirations des peuples à l’autodétermination et l’opposition à toute ingérence étrangère sous quelque forme que ce soit, ainsi que la résolution des différends par les voies du dialogue politique et diplomatique.
Cette position de neutralité a été affirmée par l’Abstention de l’Algérie lors du vote, le 2 mars 2022, de la résolution de l’Assemblé Générale des Nations Unies condamnant la Russie et par voie de conséquence le maintien de sa posture de non alignée qu’elle a toujours affiché en pareil situation. Cette abstention de l’Algérie conforte son attachement à ses principes fondamentaux de respect de l’indépendance et de la souveraineté des Etats et de l’intégrité territoriale.
Toutefois,  l’Algérie qui refuse toute violation de son droit de la neutralité codifié par les Conventions de La Haye de 1907 s’est attelée à rapatrier ses ressortissants résidant en Ukraine et n’a pas cesser d’appeler sa communauté à ne pas s’impliquer dans ce conflit de moyenne intensité. D’ailleurs, les autorités algériennes ont protesté contre un communiqué publié par l’Ambassade d’Ukraine à Alger, sur sa page Facebook, dans lequel la représentation diplomatique «invitait des étrangers à aller combattre l’agresseur (Russie)». De ce fait, le communiqué a été retiré in extremis des réseaux sociaux.
L’Algérie privilégie donc le dialogue et la diplomatie pour le règlement des conflits et demeure fidèle à son engagement à développer les relations amicales entre les États, fondées sur la coexistence et le règlement pacifique des différends.
En ce qui concerne la question de l’approvisionnement de l’Europe en gaz, l’Algérie est souveraine dans ses relations commerciales et tient compte de ses volumes et réserves disponibles. En effet, d’un coté, la dernière déclaration publique du PDG de la compagnie pétrolière publique nationale ‘Sonatrach’, M. Hakkar, déformée par la presse internationale, met en exergue que « les appoints en gaz naturel et/ou en GNL vers l’Europe sont tributaires de la disponibilité de volumes excédentaires après satisfaction de la demande du marché national, de plus en plus importante, et de ses engagements contractuels envers ses partenaires étrangers ». De l’autre coté, les propos de l’Ambassadeur Russe à Alger, Igor Beliaev, lors d’une interview qu’il a accordé le 7 mars 2022 au journal l’Expression a insisté sur le fait que « le problème ne se pose pas pour nous, car nous considérons que c’est une question purement commerciale loin d’affecter nos relations » .
Selon les experts en hydrocarbures, l’Algérie ne pourrait mettre sur le marché internationale des quantités additionnelles qu’à hauteur de 2 ou 3 milliards de m3 par an au regard de ses réserves nécessaires pour assurer en priorité sa consommation domestique. Elle ne peut en aucun cas détronner la Russie de sa seconde place de fournisseur de gaz à l’Union Européenne. L’Ambassadeur Russe à Alger a, cependant, mis en relief que la perspective d’une baisse voire d’un arrêt des approvisionnements de gaz naturel russe vers l’Europe « n’est pas pour le moment à l’ordre du jour».
Pour mémoire, en 2021, les importations européennes à partir de la Russie de gaz naturel représentaient environ 50% et celles du pétrole 25%. Ce sont environ 40% des importations européennes de combustibles solides (charbon principalement). En ce sens que la moitié des exportations énergétiques russes sont dirigées vers l’Europe, soit environ 125 milliards d’USD et 8,5% du PIB russe et les exportations de pétrole vers l’Union Européenne représentent plus de 100 milliards d’USD pour la Russie, soit 7% du PIB.
Compte tenu de la menace latente sur l’Europe d’une crise pétrolière, elle est amenée à trouver des alternatives certaines et pour lesquelles les regards, notamment, de l’Espagne, l’Italie et de la France se tournent vers l’Algérie parallèlement à des négociations entamées avec la Norvège, les Pays-Bas et les États-Unis.
La coopération énergétique entre l’Algérie et l’Union Européenne est basée sur un protocole politico-commercial. La première destination du gaz algérien demeure le marché européen, essentiellement, l’Italie (35%), l’Espagne (31%) et la France (7,8%), la part du GNL représentant 33% des exportations.
Le transport de gaz de l’Algérie vers l’UE se fait en particulier par gazoducs. D’abord, nous avons le Transmed dont le point d’ancrage est l’Italie, la plus grande canalisation d’une capacité de 33,5 milliards de mètres cubes gazeux transitant par la Tunisie, avec en 2021 une exportation d’environ 22 milliards de mètres cubes gazeux et une possibilité d’augmentation sous réserve de l’accroissement de la production interne d’un supplément de 10 milliards de metres cubes à moyen terme avec une reprise des investissements conséquents. Ensuite, nous avons le Medgaz avec un ancrage direct en Espagne à partir du port côtier Ouest de Beni Saf d’une capacité de 10 milliards de metres cubes. Quant au GME d’une capacité de 13,5 milliards de mètres cubes gazeux transitant par le Maroc pour alimenter l’Espagne, l’Algérie a décidé d’abandonner le contrat arrivé à terme le 31 ctobre 2022 suite à la rupture des relations diplomatiques entre le Royaume Chérifien et l’Algérie.
De plus, il est utile de faire remarquer que la compagnie algérienne ‘Sonatrach’ est également confrontée à plusieurs contraintes. Il s’agit, notamment: des contrats de gaz fixes à moyen et long terme dont la révision des clauses nécessite beaucoup temps de négociation, le désinvestissement dans le secteur dû à la non attractivité par les IDE de la Loi des hydrocarbures non encore amendée, la forte consommation intérieure qui risque de dépasser les exportations actuelles à l’horizon 2030, la politique des subventions non encore revisitée, et la non maîtrise de la sphère informelle représentant environ 90 milliards d’USD selon ls termes du Plan d’Action du Gouvernement.
Au regard de tous ces éléments d’analyse, il me parrait difficile pour l’Algérie de mettre, présentement,  sur le marché européen des volumes de gaz additionnels.
22.03.2022 /
Dr. Arslan Chikhaoui,

Expert en Géopolitique

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